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La plupart des entraîneurs Français ont affaire à des enfants et des adolescents l’immense majorité du temps. Voici un petit article, avec quelques principes de préparation physique pour cette classe d’âge spécifique. Mais lorsqu’on en vient à parler d’entraînement physique chez les jeunes, je me trouve souvent submergé de question, réalisant à quel point les entraîneurs sont en demande de repères spécifiques pour cette classe d’âge, que l’on entraîne souvent avec une base simplifiée des programmes d’adultes. Faisons le point sur ce que l’on peut faire et ne pas faire chez les jeunes.

De l’âge chronologique à l’âge biologique

L’âge est souvent abordé par la chronologie depuis la naissance. Les évolutions scolaires, sociales et sportives sont dans les faits systématiquement articulées autour de cet âge chronologique. Or nous avons tous en tête des champions Russes ou Grecs dont maturité physique et psychologiques traduisent un stade de développement plus avancé que leur âge chronologique. Deux sportif d’un même âge chronologique de 17 ans peuvent ainsi avoir des niveaux de développement physique très hétérogènes : on dit qu’ils n’ont dès lors pas le même âge biologique.
A titre d’exemple, Avery et Faigenbaum, en 2008, parlent de différences à 14 ans de 23 cm de hauteur, pour un poids variant de 18 kg. De telles différences sont essentielles à prendre en compte dans la progression physique et pédagogique d’entraînement : une fillette de 11 ans peut ainsi disposer facilement d’un garçon de 11 ans si son développement biologique le lui permet. C’est d’autant plus vrai, que la puberté féminine est souvent un peu en avance sur celle des garçons. Le physique déborde ainsi sur le pédagogique : il faut préserver l’ego de certains petits messieurs moins aboutis physiquement que certaines petites mesdames qui pourraient bien les ratatiner sans ménagement.
Les phases du développement
Phase pré-pubaire : Stabilité motrice et métabolique. Période particulièrement confortable pour l’amélioration variée des habiletés motrices. C’est le moment de développer toutes les habiletés techniques fondamentales : gammes techniques, automatisation de techniques variées, fondamentaux de mobilité, stabilité et sécurité. Les contenus de préparation physique sont très gymniques, généralistes.
  • Féminines : 8 à 11 ans
  • Masculins : 9 à 13 ans
Première phase de la puberté : Croissance désynchronisée des différentes portions corporelles, élévation du métabolisme basal et de l’activité hormonale pouvant limiter ou perturber les capacités à produire un effort. La précision motrice est perturbée. Il faut alors être patient, le sportif peut régresser techniquement. Il est important de stabiliser les habiletés précédemment aqcuises, et d’être très patient si les pratiquants mettent du temps à maîtriser les nouveaux mouvements. Les contenus de préparation physique sont orientés sur le contrôle moteur et l’initiation aux différentes situations qui seront développées dans la partie suivante.
  • Féminines : 11 à 13 ans
  • Masculins : 13 à 15 ans
Seconde phase de la puberté : Ralentissement de tous les paramètres de la croissance et du développement. La croissance en largeur et en épaisseur se substitue à la croissance en longueur. Les proportions s’harmonisent et facilitent l’amélioration des coordinations. Augmentation progressive des capacités physiques et psychiques permet de supporter des charges d’entraînement plus importantes. C’est le moment de développer de manière plus intense la préparation physique intégrée et dissociée.
  • Féminines : 13 à 18 ans
  • Masculins : 14 à 19 ans

L’âge d’entraînement

En marge de cet âge biologique, qui justifie qu’un athlète de 15 ans puisse être apte à débuter un travail de force alors qu’un autre de 17 n’est toujours pas physiquement prêt, il faut également considérer l’âge d’entraînement. Les conséquences de l’âge d’entraînement -nombre d’années que le jeune sportif a passé à s’entraîner sérieusement- sont plus difficiles à anticiper. Néanmoins, les problématiques de détection en pôles jeunes nous poussent à considérer ce problème avec attention. Par exemple, dans certains sports, les enfants peuvent débuter à 4 ans. A l’âge de 10 ans, lorsque les choses « sérieuses » commencent, ils ont déjà… 6 ans de pratique ! Il faut donc impérativement prendre cet élément en compte dans son développement et faire évoluer les contenus autant pour le corps que pour l’esprit.
L’approche à long terme du développement du combattant doit ainsi intégrer ces différents âges chronologique, biologique, et d’entraînement pour ajuster les contenus généraux, spécifiques, et de compétition aux réels besoins du moment. Le jeune sportif ne va donc pas directement s’entrainer pour gagner, et passer par des phases plus fondamentales, en apprenant d’abord à s’entraîner.

La musculation dissociée

Il y a eu beaucoup d’inquiétude autour de la place du développent de cette qualité chez les jeunes. L’essentiel de la controverse est venu d’une part d’approches déraisonnables de certains coaches et parents, d’autre part de la mauvaise presse véhiculée par le body-building, et enfin à cause d’études en apparence contradictoires.

Les premières études scientifiques ont échoué à démontrer leur intérêt chez des pré-adolescents. Les études de Docherty en 1987 et Hetherington en 1976 sont encore aujourd’hui régulièrement prises en exemple pour argumenter les limites du développement de la force chez les jeunes. Mais de nombreux biais limitent la pertinence de ces études, notamment leur durée trop courte et le volume de travail inadapté. Ce que démontrent ces études, c’est plus justement que les effets d’un entraînement court et à faible volume sont difficilement distinguables de ceux de la croissance normale.

Tout en conservant une approche progressive, techniciste et raisonnable de bon sens, d’autres études démontrent les progrès en force indépendants de la croissance normale chez les jeunes (Pfeiffer et son équipe s’étaient penchés sur le sujet dans les années 80, avant Ramsey et Lillegard dans les années 90; Faigenbaum a publié de nouveau 3 études sur le sujet au début des années 2000). Il n’existe par ailleurs aucune preuve scientifique que l’entraînement en force adapté d’un jeune public en bonne santé ne retarde ou n’accélère la croissance (Bailey 1994, Malina 1994, Falk 2003). Certaines recherches, comme celle de Vicente-Rodriguez en 2006, établissent même que l’activité physique, et plus particulièrement les activités impliquant des poids et haltères, génèrent des forces de compression essentielles à la formation et à la croissance osseuse. En fait, en comparaison aux autres activités physiques et sportives, le renforcement musculaire s’avère plutôt sécuritaire (Hamill 1994).
Il ne faut d’ailleurs pas limiter le raisonnement à la seule amélioration de la qualité de force : Falk (1996), Lillegard (1997), Nielsen (1980), Weltman (1986) démontrent des connections avec les autres pratiques sportives.

En fait, il semble que la force des adolescents et pré-adolescents, soit tout aussi entraînable -sinon plus- que celle des adultes. C’est plutôt leur capacité à progresser en force maximale absolue qui les limite, certains auteurs mentionnant des différences 2 fois supérieures de la capacité de progression des adultes en force maximale. Ainsi, les programmes de force maximale ne sont clairement pas les plus adaptés pour les jeunes publics.

Voici par exemple une progression technique imaginée par mon collègue Laurent Delacourt menant très progressivement le jeune à travailler avec la charge.

Sans charge, simplement avec un bâton, la première étape consiste simplement à comprendre le mouvement dans sa globalité et les placements qu’il requière. La barre à vide est ensuite introduite avec une recherche avant tout de précision dans le placement et une recherche de tempo de mouvement mono rythmique. Les feedbacks s’articulent essentiellement autour du placement du bassin ainsi que la sensation de grandissement, le respect des courbures naturelles et les trajectoires de genoux.
1

Apprentissage technique.

2

Intégration du travail de l’équilibre.

Le travail est désormais centré sur la recherche de contrôle postural et de maitrise du mouvement malgré les déstabilisations. Les niveaux de charge demeurent faibles. L’intensité de la charge en terme de poids ou de vitesse n’est toujours pas une préoccupation à ce stade. L’intérêt est de travailler avant tout sur sa complexité avec notamment une part psycho-motrice plus importante.
3

Vers un mouvement plus élaboré.

La sollicitation devient plus complexe et plus complète. Il est temps d’intégrer les notions d’accélération et de faire vivre au joueur une expérience motrice intégrant un gainage dynamique.
4

Mouvement et rythme

Cette phase propose une combinaison de plusieurs mouvements avec une notion forte d’accélération-décélération donc de changements de rythmes. Elle est la plus propice au transfert vers les APS. C’est la dernière étape avant une vraie mise en charge.
5

Variation de charge

Le joueur a eu le temps de construire ses fondamentaux physiques (mobilité, équilibre-contrôle moteur, gainage statique et dynamique, de comprendre la notion de rythme) durant les 4 phases précédentes, il est temps d’ajouter de la charge et de profiter pleinement de cette plus value motrice.

La place du gainage

Le gainage est sans doute la situation de connexion des différents étages articulaires la plus importante. Plus elle est abordée jeune et avec variété, plus le développement de la force au travers d’exercices complexes se fera naturellement. Souvenez-vous que le gainage du sportif n’est pas statique mais dynamique, et que les jeunes (et les moins jeunes) détestent rester pendant des heures en position de « planche ». Deux raisons pour passer dès que possible (dès que le sportif est capable de maintenir ses courbures naturelles en situation d’instabilité) à du gainage dynamique (mobilité sur ballon suisse, gainage en déplacement, à deux etc.).

Nous vous recommandons la lecture de l’Art du mouvement

d’Aurélien Broussal et d’Stéphane Ganneau.

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